Recherche d'une implantation et 1ère église
Les débuts de la Colonie
C’est le 24 septembre 1853, que, dans l’enceinte de la Mission de Balade, l’Amiral Febvrier Despointes prenait possession de la Calédonie. La Mission, vieille déjà de dix ans, avait plusieurs fois été pillée, brûlée et reconstruite. Notre premier évêque, Mgr Douarre, était mort à la tâche le 27 avril 1853, mais en mourant il avait laissé ses instructions pour cette prise de possession qu’il savait se préparer. Dès que l’Île fut devenue possession française, on installa un blockaus qui dominait la rade de Balade et les vallées avoisinantes et rendait très sûr le séjour de la petite garnison, laissée dans le pays. Mais, ce point de Balade était trop peu favorable à l’établissement d’une ville et trop éloigné de l’Australie, alors grand centre de ravitaillement, pour qu’on s’y installât définitivement.
On chercha donc, surtout dans le Sud, une position meilleure. Canala, avec sa baie profonde et bien abritée, attira d’abord l’attention, mais pour y arriver, il fallait contourner l’Île ; on descendit dans le Sud-ouest, c’est alors que Tardy de Montravel trouva Nouméa, où le port était bon, bien abrité, mais où il manquait pourtant deux choses essentielles : de la place et de l’eau. C’était en 1855.
Aussitôt on se met à l’œuvre. L’Amiral de Bouzet, gouverneur de l’époque, fait faire des baraquements provisoires, pour y loger les soldats et les fonctionnaires publics et les quelques colons qui déjà étaient venus, à la nouvelle de la prise de possession. Mais on ne pouvait se passer longtemps du prêtre. L’Amiral envoie chercher le P. Montrouzier, et c’est lui le jour de Noël 1855, qui célébra la première Messe sur notre paroisse. Elle fût dite sous un gros niaouli, qui se trouvait sur la butte, où est actuellement l’habitation de l’Intendant. Quelques voiles empruntées aux navires de l’État abritaient le prêtre et les fidèles pendant la cérémonie. Ce fut la première église.
L’ancienne église
Peu de temps après, on commençait une église provisoire qui dura plus de trente ans. Elle était située dans la cour actuelle de l’internat des filles ; sa façade était tournée vers le fort Constantine, à la place duquel se trouve maintenant l’hôpital militaire, et elle était en bordure, le long de l’avenue Montebello, (actuellement en face du Laboratoire de chimie). Elle avait 30 m de long y compris la sacristie et 8 m de large. Sur la façade, il y avait un petit clocher carré et pointu, dans le genre du clocher de St-Louis, et dans ce clocher était une seule cloche, celle qui sert actuellement à appeler les Pères au confessionnal. Cette cloche qui venait d’un navire de l’État, a son histoire. Elle a été fondue en 1786, à Cherbourg, devant Louis XVI qui allait à ce moment, inaugurer la fameuse digue de Cherbourg. Cette première église de Nouméa fût bénite le jour de Pâques 1858.
Mais à mesure que la ville se développait on comprit que l’église ne pourrait pas suffire longtemps. Aussi, dans les plans primitifs de la ville, élaborés sous l’Empire, voit-on un vaste emplacement réservé pour « l’église Ste Eugénie ». Cet emplacement est occupé actuellement par la Place des Cocotiers et le nom de Eugénie étant celui de l’Impératrice, on voulait ainsi mettre la future église sous son parrainage.
Plus tard, sous le gouvernement de l’Amiral de Pritzbuer, en 1875, on songea sérieusement à la future église. Tout d’abord, on chercha l’emplacement. De l’avis unanime de la Commission officielle, nommée pour cet effet, on choisit le Cap Horn, à cause de sa position dominant la rade et la passe et aussi parce que cet emplacement était plus central que celui de l’ancienne église.
Travaux de terrassement
À cette époque de nombreuses corvées de condamnés travaillaient à remblayer le quartier Latin. On en était alors à l’extrémité du Boulevard Cassini et à la partie située en face du Musée Bibliothèque actuel.
L’Administration eut l’heureuse idée de prendre ses déblais, sur la butte du Cap Horn, à l’endroit désigné pour la future église. Ainsi peu à peu les grands terrassements se faisaient.
En même temps un concours fut ouvert pour le plan de la nouvelle église : des prix furent même décernés. On organisa une souscription qui donna de belles espérances. Tout paraissait aller bien, lorsque le krach de « l’Escompte Colonial », la Banque du moment, en ruinant nombre de familles et d’industries, fit renvoyer sine die les travaux de la Cathédrale.
Insuffisance de l’ancienne église
Cependant la situation au point de vue de l’exercice du culte n’allait pas en s’améliorant. La vieille église, lézardée, basse, insuffisante pour la population sans cesse croissante du chef-lieu, ne répondait plus aux besoins religieux du pays. L’étranger n’entrait jamais dans cette malheureuse masure, sans éprouver un véritable serrement de cœur et une sorte de honte qu’il ne parvenait pas à dissimuler.
À la grande stupéfaction de tous, le cyclone qui, en 1880, fit tant de ruines à Nouméa ne jeta point à terre la vieille église : des constructions voisines plus élevées l’avait protégée. Néanmoins, à la suite de la tourmente, le clocher menaçait avec une travée entière de tomber sur les passants. Le clocher et la travée furent démolis. Un moment on se demanda s’il ne faudrait pas abandonner le reste, et chercher quelque part un asile où l’on put se réfugier pour l’exercice du culte. L’école des Frères (ce qui est actuellement l’école communale des garçons) à laquelle se trouvait d’abord annexé un pensionnat, qu’on venait de supprimer, offrait au premier étage, une vaste salle qui pouvait être convertie en chapelle. Le bon vouloir du gouverneur d’alors, l’amiral Olry, se prêta à cette combinaison. L’office fut célébré concurremment dans cette chapelle improvisée et dans la vieille église ; ainsi on fit face, non sans peine, aux difficultés du moment.
Mais le souffle laïcisateur qui avait parcouru la France ne devait pas tarder à se faire sentir en Nouvelle Calédonie. L’école publique fut enlevée à la direction des Frères et, confié au personnel enseignant d’une école protestante. La moitié du bâtiment fut remise aux instituteurs laïcs et l’autre moitié, là même où l’on avait ouvert une chapelle, devint le Collège Colonial.
Tout le monde sait que ce n’est qu’en 1913 que le Collège Colonial a été transféré dans les bâtiments de l’Artillerie qu’il occupe actuellement.
Négociations avec l’État
Il fallut se contenter bon gré, mal gré, de la seule vieille église, et assurer l’exercice du culte en augmentant le nombre de messes le dimanche.
C’est alors que le digne successeur de Mgr Vitte, Mgr H. Fraysse, entama de nouvelles négociations pour obtenir qu’enfin l’Administration commençât les travaux de la construction d’une église. Une commission fut nommée, des plans furent produits, puis bientôt le silence se fit sur la question : la commission se réunit deux fois et ce fut tout. Pourtant la question était lancée, l’opinion publique s’en était émue, le moment allait venir où l’église de Nouméa aurait vraiment son histoire.
Par un mouvement de généreuse initiative, Mgr le Vicaire Apostolique, voulant couper court à toutes les difficultés budgétaires, qui entravaient le projet de construction de l’église, offrit au Département la plus grande partie des terres de la Mission de St Louis, sauf à obtenir en retour une compensation qui permettrait enfin de commencer les travaux depuis si longtemps projetés. À la suite de nombreuses et longues négociations, le Département accepta l’offre qui lui était faite spontanément et assura de son côté la main-d’œuvre pénale nécessaire à la construction de l’église.
Le sous-secrétaire d’état aux Colonies l’Amiral Jauré-guiberry exigea que la main-d’œuvre pénitentiaire bâtisse aussi le temple protestant, quoiqu’elle ait été payée à l’État par la Mission catholique seule. Pour faire aboutir le projet de construction, l’Évêque dut en passer par là. On était en 1884.
Nouvelles difficultés
Mais comment utiliser cette ressource, fort considérable en elle-même, ainsi que le prouvent les résultats obtenus ? Toute gratuite qu’elle était, la main-d’œuvre pénale ne pouvait être utilisée, sans qu’on eût recueilli préalablement des fonds, tant pour l’achat des matériaux et de l’outillage, que pour les gratifications à donner aux ouvriers. Où et comment trouver les sommes voulues ? Les œuvres les plus diverses, tendant la main à toutes les bourses, n’avaient-elles pas tari d’avance une source précieuse et ôté l’espoir d’y puiser encore ?
Tout semblait perdu sans retour ; chacun se résignait de son mieux à une situation qu’il semblait impossible de changer. À ce moment Dieu tirant le bien du mal, allait par les voies mystérieuses de la Providence, apporter à tant d’efforts et de combinaisons, jusque-là sans résultats, un merveilleux dénouement.
Le vol sacrilège
Dans la nuit du 17 au 18 août 1887, des malfaiteurs s’introduisirent dans la vieille église, en brisant les serrures. Malgré la proximité du poste militaire, fracturant le coffre-fort, dans lequel, par prudence, on tenait enfermés tous les vases sacrés et le Saint Sacrement lui-même, qu’on y déposait chaque soir, ils emportèrent tout dans leur odieuse rapacité.
Quand, au matin, le bruit de cet horrible sacrilège se répandit dans la ville, ce fut un long cri de douleur et de réprobation contre ses auteurs. En même temps toutes les bouches catholiques exprimaient la même pensée : Une église,… nous voulons une église où le culte soit assuré et à l’abri de nouvelles profanations ». Ce jour-là, on peut le dire, l’église était bâtie.
Aussitôt une souscription fut ouverte ; les offrandes dont quelques-unes très généreuses, affluèrent de toute part : en moins d’un mois 40.000 francs étaient recueillis. Un appel adressé aux catholiques de France, anciens officiers, fonctionnaires ou colons fut entendu et favorablement accueilli.
Le Comité Paroissial
Désormais la main-d’œuvre, paralysée pendant deux ans par le manque de ressources allait pouvoir s’exercer. Un comité représentant les souscripteurs, fut organisé aussitôt, pour surveiller l’emploi des fonds, l’exécution des travaux, et pour être l’intermédiaire officiel de la Mission et de la population catholique d’une part et de l’Administration d’autre part.
Les membres de ce Comité, choisis parmi les meilleures et les plus vieilles familles catholiques, aidèrent le R.P. Pionnier, à ce moment, Curé de la Cathédrale, de leurs conseils et de leur influence, dans l’œuvre difficile de la construction de l’église.© Textes : Père Henri Boileau (1874-1966), 11ème curé de la cathédrale en 1931-
visites